Հայաստան (Arménie) – Yerku Kuir Hayastan
Après un au revoir émouvant, je laisse les parents à Téhéran pour un départ en bus direction Yerevan. 25 h de voyage, le vélo rentre en soute moyennant une petite négociation de prix/bakchich avec le chauffeur (bien aidée par des Arméniens qui ont le sens du commerce !).
On passe à frontière entre 1h et 4h du matin, le temps que le bus soit fouillé de fond en comble et que les bagages soient passés aux rayons X. Entre les deux frontières, j’enlève mon voile et le vent sur mes cheveux me procure une douce sensation de liberté. En Arménie le contrôle dure deux fois moins de temps et nous pouvons enfin reprendre la route.
Au lever du jour je me réveille et m’émerveille de la beauté des montagnes que Roro et Ben ont dû gravir à contresens à la force de leurs cuissauds. On se croise à quelques jours d’intervalle.. Dommage.
Puis arrivée à Yerevan et enfin je retrouve Clém, qui était un peu décontenancée en arrivant seule dans ce pays où elle ne comprend rien. D’autant quand elle doit faire la conversion en Euros, c’est le DRAM! On endosse notre attirail de touriste pour déambuler dans les rues. Des centaines de bus s’apparentant plutôt à des camionnettes circulent. Pas de plan, ici on connaît les numéros de ligne par coeur. On grimpe dans le bus 44, s’assied comme on peut et fait passer la monnaie depuis l’arrière du bus au chauffeur.
En grimpant sur « La cascade » on surplombe cette ville très empreinte de l’union soviétique ; édifices de bétons vieillis dont la restauration semble laborieuse.
J’ai quitté l’Iran pour arriver le weekend de Pâques dans un pays, où la place du Christianisme est importante. Dans les églises pleines, les femmes portent un voile pour aller prier.
Nous nous plongeons dans l’histoire douloureuse du génocide arménien avec la visite du mémorial qui lui est dédié. Le sujet sera souvent évoqué par les Arméniens que l’on rencontre, sans jamais aller dans les détails. Chacun a un proche qui a émigré en Europe suite aux événements du début du siècle dernier.
On remonte nos bécanes, un guidon branle et on n’a pas l’outil adapté. Heureusement au détour d’une rue, on trouve un marché de bric et de broc, où plusieurs stands de réparation de vélo s’enchaînent. Un papi vient à la rescousse et le tour est joué.
Nous donnons nos premiers coups de pédale en direction de Garni. Sur une deux fois trois voies très fréquentée, nous sommes polluées par ces voitures qui peinent à grimper les 10 km pour sortir de la ville. Nous manquons de nous faire mordre par des chiens et nous faisons arrêter par la police car nous conduisons « dangereusement » dans cette ville où il n’existe pas de place aux vélos. Un comble !
Il m’est difficile de me mettre dans l’ambiance de ce voyage, je doute d’avoir assez de force, d’endurer un si long périple. Qui plus est, mon compteur nous indique une vitesse fausse (2 fois moindre! dur pour le moral) Puis en s’éloignant petit à petit de la circulation, en découvrant le calme des premiers paysages montagneux et après une première invitation à boire un « chai » (thé, début d’une longue série) et déguster des oeufs de Pâques, colorés à la peau rouge de l’oignon, le voyage reprend son sens.
Le lendemain nous prenons la direction du lac de Sevan. La région est assez industrielle. De nombreuses maisons semblent abandonnées ou aménagées avec le minimum vital. Souvent pas de revêtement ni aux murs ni au sol. Cela détonne par rapport à la beauté de la nature. En longeant la rivière de la jolie vallée du Kotayk, on découvre les belles montagnes arméniennes. On passe des cols à plus de 2000 m. La neige fond peu à peu, la nature s’éveille. Les bourgeons poussent çà et là. La végétation s’enrichit au fur et à mesure que l’on monte dans le nord.
Une voiture sur deux klaxonne pour encourager nos coups de pédales, parfois même la vitre teintée se baisse, nous tendant un chocolat ou une boisson. On nous a même tendu une corde pour nous tracter derrière une voiture, proposition que nous déclinons au vu de la conduite sportive de ce peuple ! Les enfants nous hèlent et nous poursuivent avec entrain et curiosité. Sur les routes de nombreux hommes observent la circulation, triste témoin d’une situation économique difficile et d’un fort taux de chômage. A notre passage, déconcertés, ils répondent timidement à nos « Barev » (Bonjour en Arménien).
Le trafic sur les routes principales s’apparente à celui de départementales françaises. Nous slalomons sur ces routes trouées, où les camions nous doublent difficilement dans les montées, surchargés de leurs bouteilles de gaz stockées sur le toit ou le châssis. Dans tous les villages, les conduites de gaz servent de glissière de sécurité explosive.
Souvent, du bord de la route, une main se tend et nous sommes invitées à prendre le thé, à manger ou même à dormir dans ces maisons où trois ou quatre générations cohabitent. Après le mariage la femme emménage chez sa belle famille. Parfois les salles d’eau, chauffées grâce au poêle/four, se situent dans le jardin ; la maison abritant alors seules les salles de nuit, froides et spartiates. La télévision, le smartphone, internet et souvent un piano désaccordé contrastent avec la précarité des pièces à vivre. Malgré ce, nous sommes toujours accueillies comme de reines. Les Arméniens partagent avec nous toutes les denrées de leur jardin et de leur basse-cour. Confitures de cynorhodon, d’abricot, noix, oeufs, crème, fromage (au goût de bouc assez prononcé !), yaourt (Matsoun), herbes fraîches roulées dans du pain (Lavash), fruits au sirop, thé au jus de griotte..
Pour discuter, il y a soit le copain au téléphone qui baragouine de l’anglais, soit un bon dico de russe ou bien google translate. Comme Ben l’a dit, c’est parfois frustrant de ne pouvoir échanger autant qu’on le voudrait. Mais ces rencontres restent toujours très émouvantes, car l’envie de partager et de donner est plus forte que la barrière de la langue.
Nous décidons de changer d’itinéraire pour éviter une balle perdue à proximité de la frontière azérie, zone de conflit due entre autres à la revendication de certains territoires arméniens par l’Azerbaïdjan. Les panneaux nous indiquent qu’on roule sur la route de la soie. C’est paisible. Petite pause culturelle à Vanadzor, où nous découvrons un aperçu de l’art arménien. En poursuivant la route vers le Nord on passe devant ces fameux monastères arméniens (les Vank), savamment perchées sur de vertes collines. Une longue vallée engouffrée sous d’imposantes falaises nous conduit déjà à la frontière géorgienne. Suite au prochain épisode..
2 réflexions sur « Հայաստան (Arménie) – Yerku Kuir Hayastan »
Marina, c'est super beau ces points de vue. Et je vois que vous avez été reçus avec autant de chaleur qu'n Irn. Je me régale à vous lire.
Bonjour les filles !!
Je suis heureuse que vous continuiez à faire des rencontres fortes avec la population malgré la langue. J'adore la stupéfaction et l'interrogation du garçon qui se penche sur ta sacoche de vélo. On se remet à peine de nos émotions vécues en Iran alors j'imagine vos difficultés lorsque cela continue à s'enchaîner.
Croquez la vie mais restez vigilantes!!
Gros bisous
Khoda hafez
maman